par Cassandre G
Et si nous élisions nos propres prédateurs ? Mouseland, fable oubliée de Tommy Douglas 1, dévoile une vérité troublante : les souris élisent des chats qui les dévorent. En 2025, ce miroir tendu aux sans-voix révèle toute l'amplitude du piège des élites. Pouvons-nous éviter leurs griffes ?
L'anxiété des souris : Mouseland ou le piège des chats élitaires
Connaissez-vous Mouseland ? Cette fable trop méconnue, racontée par Tommy Douglas en 1944 - et attribuée à Clarence Gillis - devrait pourtant être aussi célèbre que «La Ferme des animaux» d'Orwell. Ce bon récit animalier en dit long sur nos conditions humaines. Très long. Dans ce pays imaginaire, peuplé de petites souris, on élit régulièrement tous les quatre ans... des chats.
Chats noirs, chats blancs, parfois même des coalitions panachées. Ils promettent le changement, la prospérité, des trous «modernes» pour le peuple des souris.
Mais une fois au pouvoir, ils gravent des lois de leurs griffes, toujours à leur avantage : des trous élargis où glissent mieux leurs pattes prédatrices, des vitesses limitées pour que les souris soient plus faciles à attraper - et les petits-déjeuners des matous plus simples à servir.
Avec un humour faussement naïf, Douglas livre une vérité cruelle : peu importe leur couleur, les chats ne servent que les chats. Jamais les souris.
Mais nous, englués dans ce théâtre cruel, ne serions-nous pas ces souris ? Des milliards de cœurs battant la chamade d'indignation, meurtris par le poids d'un système qui nous broie, mais pleins d'espoir - balayés par le mépris glacial des élites autoproclamées, financières, militaires, idéologiques. Une poignée de puissants contre nos multitudes.
Cette fable oubliée mérite d'être redécouverte. Elle est une clé, un miroir, révélant la nocivité du piège infernal dans lequel l'humanité s'est engluée, depuis la nuit des temps où elle s'est rêvée en collectivité à tenter l'expérience du vivre ensemble.
Sommes-nous condamnés à être traités de «complotistes» dès que nous pensons autrement ? Ou sommes-nous des souris éveillées - enfin lucides - refusant de consentir à l'indigne, à l'intolérable ?
Le piège des chats : un monde pilote d'en haut
Dans Mouseland, les chats noirs promettent des lois «dignes» - mais les trous s'élargissent pour leurs pattes. Les chats blancs, eux, vantent des trous «carrés», deux fois plus larges - et la misère des souris s'aggrave.
En 2025, les élites jouent ce même jeu cynique, sans feindre le scrupule. Le tout s'enrobe d'un langage technocratique truffé d'acronymes - COP29, GIEC, ZFE - qui noient le sens. Ils dissolvent le propos d'origine, dépossédant les sans-voix du moindre mot.
Prenons les ZFE - zones à faibles émissions. Sous couvert d'écologie, elles bannissent les guimbardes des plus modestes, jugées trop sales, trop anciennes, trop toxiques. Tant pis pour eux. Une étude citée par France 24 (2025) montre que, dans huit villes françaises, les ZFE réduisent l'accès à l'emploi pour les employés et ouvriers modestes, leurs trajets domicile-travail s'allongeant faute de moyens pour remplacer leurs vieux véhicules 2. Pendant ce temps, les chats roulent en SUV électriques dernier cri - subventionnés, évidemment - et respirent un air filtré, propre, lisse, sans se soucier du lithium du Kivu ou des terres rares arrachées aux terres ravagées par leurs guerres par procuration.
L'humour de Mouseland éclaire cette hypocrisie occidentale. Les chats verts promettent un monde plus «propre», mais leurs lois servent d'abord ceux qui le salissent - et en tirent profit.
Leur idéologie ne colle plus au réel, car elle masque l'exclusion des modestes et les profits des puissants sous des promesses de vertu.
La «transition verte» devient un marché. Elle stimule la finance, déplace les problèmes, et laisse les sans-voix se perdre dans un labyrinthe de décisions absurdes, à tenter de comprendre une logique qui les exclut. Le débat climatique est verrouillé. Une seule cause - le CO₂ anthropique - est sacralisée, reléguant les autres polluants et les injustices sociales dans l'ombre. Osez penser autrement ? Vous voilà hérétique.
Dans Mouseland, les chats décident de la vérité. Ils imposent un simulacre, où la science devient outil de persuasion et de pouvoir, façonnée au gré de leurs intérêts - et de leurs placements à court terme.
Cette logique du contrôle dépasse largement l'écologie. Elle irrigue tous les domaines où les élites imposent leur vision du monde.
Le chaos des chats : crises sanitaires, écologiques, politiques
Les crises s'enchaînent, et les félins prospèrent. Les océans saturent de plastique, les particules fines nous empoisonnent, les écosystèmes s'effondrent. Mais les lobbys - tels des chats affamés - étouffent toute question sur l'origine de ces désastres. Naturels ? Anthropiques ? Hybrides ? On n'en débat pas. On obéit. La pandémie a révélé leur jeu. Une parole unique imposée. Les contre-voix criminalisées. Un silence scellé par la peur. Dans Mouseland, les lois des chats rendaient la vie des souris «ô combien dure».
Aujourd'hui, les crises sanitaires et écologiques deviennent un poison discret, toléré, administré, banalisé par des élites indifférentes. Et les sans-voix continuent de suffoquer.
Au-delà de nos frontières, le même théâtre se joue à l'échelle planétaire. Comme dans l'univers faussement naïf de Mouseland, l'OTAN - ce gros matou géant - aurait dû s'assoupir après 1989. Mais non !
En 1999, l'organisation prétendument de défense a bombardé la Yougoslavie sans mandat de l'ONU. Résultat ? Des milliers de civils assassinés, un pays démembré, une instabilité durable. Son expansion vers l'Est attise les tensions. Mais derrière les beaux discours de sécurité, on trouve du gaz, du lithium - et surtout, le goût du pouvoir. Ne faut-il pas coûte que coûte préserver notre hégémonie ?
Les chats de l'OTAN promettent la démocratie, mais leurs griffes s'abattent sur les souris du Kivu, du Donbass, de Gaza, du Moyen-Orient, tandis que les profits de guerre s'envolent. La fable devient révélation. Derrière son apparente innocence, elle expose un chaos programmé, où les crises ne sont pas des accidents, mais des opportunités... pour les chats. Jamais pour les souris.
Le consentement à l'inacceptable : les souris hypnotisées
Dans Mouseland, les souris - par habitude, sans y être forcées, sans même être lassées - élisent encore et encore des félins de toutes robes, noirs, blancs ou panachés. Peu importe, puisqu'on leur a fait croire qu'il n'existe aucune autre voie. Circulez, y'a rien à voir. Et surtout, rien à penser. Leur naïveté, touchante et amère, est moquée par Douglas avec un humour doux-amer.
Tragique vérité : même les chats qui «imitent le cri des souris»... mangent comme des chats. Et souvent avec encore moins de scrupules, tant ils se réjouissent de leurs propres ruses.
Et nous les sans-voix ? Nous glissons doucement vers ce même consentement diffus à l'inacceptable. Tous les chats ne sont pas complices, mais ceux qui tirent les ficelles - financiers, militaires, technocrates - imposent un contrôle subtil, lent, rampant - infiltré dans nos récits, nos écrans, nos normes, au nom de «la sécurité», «la science», «l'intérêt général». On impose des «narratifs», fabriquant des ennemis - Russie, Iran, Chine, Hongrie, Slovaquie, Venezuela, et demain un autre. On hypnotise ce qu'il reste d'opinion publique, comme si le seul rôle des souris était de servir, ou à défaut, se soumettre.
Les chats déploient des outils subtils pour perpétuer leur domination. La fenêtre d'Overton, outil des chats, déplace les bornes du pensable, transformant les ZFE qui excluent les pauvres ou les guerres rebaptisées «la paix par la force» - un slogan absurde dont la portée échappe aux foules. La spirale du silence étouffe les doutes : si tous répètent la même vérité, la lâcheté par la compromission pousse à se taire, malgré les pensées dissidentes. Le triangle dramatique scénarise les crises, avec des élites sauveuses, des ennemis diabolisés, et des peuples victimes. L'habitus, enfin, convainc que cette exploitation est inéluctable. Nommer ces mécanismes, c'est risquer l'étiquette outragée et disqualifiante de «complotiste» - l'arme ultime des gros matous pour museler les souris trop éveillées.
La caverne des souris : une allégorie revisitée
Nous sommes les prisonniers modernes de la caverne de Platon. Condamnés à contempler les ombres projetées par les chats, à confondre leurs simulacres avec la vérité. Mais une question s'impose : si les chats diffusent les images et les sons... qui cadre, monte, coupe et diffuse ? Des chats évidemment, encore plus discrets, tapis dans l'ombre de l'État profond, tirant les ficelles.
Et comme dans toute bonne mise en scène, il faut une tension dramatique, un retournement inattendu. Dans Mouseland, il eut lieu : une souris, un jour, osa défier ce théâtre cruel : «Pourquoi n'élirions-nous pas des souris ?» Le verdict fut immédiat : on la traita de bolchévik. Et on la jeta en prison.
Mais Douglas, avec une ironie tendre, rappelle : «On peut enfermer une souris... mais pas une idée». Les rares souris éveillées - insoumises, lucides - qui chuchotent, crient ou hurlent des vérités simples, sont tournées en ridicule, marginalisées, bannies. Mais leurs colères, leurs douleurs, leurs lucides appels... ne s'éteignent jamais. Car la fable indique la sortie. D'une simplicité déconcertante : Cesser d'élire des chats. Oser nos propres voix. Refuser le piège.
Résister en tant que souris : en finir avec le théâtre des chats
L'enjeu de Mouseland est limpide :
Les souris doivent cesser d'élire des chats et prendre le pouvoir elles-mêmes. Si cette fable était plus connue, elle serait une boussole pour les sans-voix, défiant l'ordre établi. Car non, nous ne sommes pas condamnés à l'impuissance.
Lorsque le pire menace, il ne s'agit plus de fuir, ni de se soumettre. Il s'agit de choisir : se libérer... ou se renier. Et finir, littéralement, en pâtée pour chats.
Nos émotions - colère, espoir, chagrin - partagées par des milliards d'êtres, sont des énergies vives. Tentons des pistes.
Crions nos refus. Dénonçons le grand théâtre des chats : Échappons aux griffes des lobbys. Tant que les réseaux sociaux ne sont pas figés par le DSA (Digital Services Act), utilisons-les. Diffusons des faits :
Dénonçons l'OTAN, ce gros matou, attisant les guerres pour le profit, engloutissant 1506 milliards de dollars en 2024 - 55% des dépenses militaires mondiales (SIPRI 2024) - tandis que l'UE planifie 800 milliards d'euros pour sa course aux armes, vendant la guerre en miaulant la paix. 3
Dénonçons les ZFE qui excluent les pauvres sous prétexte d'écologie. Révélons leurs mécanismes : la fenêtre d'Overton normalise l'inacceptable, le triangle dramatique scénarise les guerres, l'habitus fait croire que l'exploitation est naturelle.
Refusons ces logiques. Déconstruisons-les. Partageons-les. Chaque geste compte : une parole, une vérité, une action, une communauté bâtie hors du système, c'est un pas hors de Mouseland.
Sommes-nous dangereux ? Survivrons-nous ?
En dénonçant les chats - l'OTAN comme fauteur de guerre, la récupération élitiste du climat, le silence sur les crises sanitaires - devenons-nous des souris à éliminer ?
Très probablement. Les puissants ne cherchent ni compromis, ni à proposer un quelconque débat. Ils nous colleront simplement une étiquette : «complotistes», et le tour sera joué. Cela permet de marginaliser, de censurer... puis d'oublier.
Mais comme dans Mouseland, une idée ne meurt jamais. Nos voix, même fragiles, nourrissent les cœurs des sans-voix, de Gaza martyrisé au Donbass ravagé, des banlieues oubliées aux campagnes abandonnées. Les souris de Gaza au Donbass tissent déjà la toile d'un autre récit.
L'humour acide de Douglas nous rappelle : Les chats ne sont pas une fatalité. Ce n'est ni un ordre naturel, ni un destin inévitable. L'Histoire a connu des réveils. Jamais parfaits, toujours difficiles. Mais aujourd'hui, les chats les plus puissants risquent de tout emporter - jusqu'à l'apocalypse.
Sortir de la caverne, c'est briser les chaînes. C'est oser voir la vérité nue, sans filtres. C'est souffrir d'y voir clair... mais enfin y voir.